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L’on nomma peu d’officiers pour l’accompagner, afin qu’une nombreuse suite n’embarrassât point ; et, après lui avoir donné les plus belles pierreries du monde, et quelques habits très riches, après, dis-je, des adieux qui pensèrent faire étouffer le roi, la reine et toute la cour, à force de pleurer, on l’enferma dans le carrosse sombre avec sa dame d’honneur, Longue-Épine et Giroflée.

On a peut-être oublié que Longue-Épine n’aimait point la princesse Désirée ; mais elle aimait fort le prince Guerrier, car elle avait vu son portrait parlant. Le trait qui l’avait blessée était si vif, qu’étant sur le point de partir, elle dit à sa mère qu’elle mourrait, si le mariage de la princesse s’accomplissait, et que si elle voulait la conserver, il fallait absolument qu’elle trouvât un moyen de rompre cette affaire. La dame d’honneur lui dit de ne se point affliger, qu’elle tâcherait de remédier à sa peine en la rendant heureuse.

Lorsque la reine envoya sa chère enfant, elle la recommanda, au delà de tout ce qu’on peut dire, à celle mauvaise femme. « Quel dépôt ne vous confié-je pas ! dit-elle. C’est plus que ma vie : prenez soin de la santé de ma fille, mais surtout soyez soigneuse d’empêcher qu’elle ne voie le jour. Tout serait perdu : vous savez de quels maux elle est menacée, et je suis convenue avec l’ambassadeur du prince Guerrier que, jusqu’à ce qu’elle ait quinze ans, on la mettrait dans un château où elle ne verra aucune lumière que celle des bougies. » ha reine combla cette dame de présents, pour l’engager à une plus grande exactitude. Elle lui promit de veiller à la conservation de la princesse et de lui en rendre bon compte aussitôt qu’elles seraient arrivées.