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en temps ; elles lui apportaient des raretés sans pareilles, des habits si bien entendus, si riches et si galants, qu’ils semblaient avoir été faits pour la noce d’une jeune princesse qui n’est pas moins aimable que celle dont je parle. Mais, entre toutes les fées qui la chérissaient, Tulipe l’aimait davantage, et recommandait plus soigneusement à la reine de ne lui pas laisser voir le jour avant qu’elle eût quinze ans. « Notre sœur de la fontaine est vindicative, lui disait-elle ; quelque intérêt que nous prenions en cet enfant, elle lui fera du mal, si elle peut ; ainsi, Madame, vous ne sauriez être trop vigilante là-dessus. » La reine lui promettait de veiller sans cesse à une affaire si importante ; mais, comme sa chère fille approchait du temps où elle devait sortir de ce château, elle la fit peindre ; son portrait fut porté dans les plus grandes cours de l’univers. À sa vue, il n’y eut aucun prince qui se défendit de l’admirer ; mais il y en eut un qui en fut si touché qu’il ne pouvait plus s’en séparer. Il le mit dans son cabinet ; il s’enfermait avec lui, et, lui parlant comme s’il eût été sensible, qu’il eût pu l’entendre, il lui disait les choses du monde les plus passionnées.

Le roi, qui ne voyait presque plus son fils, s’informa de ce qui pouvait l’empêcher de paraître aussi gai qu’à son ordinaire. Quelques courtisans, trop empressés de parler, car il y en a plusieurs de ce caractère, lui dirent qu’il était à craindre que le prince ne perdit l’esprit, parce qu’il demeurait dès jours entiers enfermé dans son cabinet, où l’on entendait qu’il parlait seul comme s’il eût été avec quelqu’un.

Le roi reçut cet avis avec inquiétude. « Est-il possible, disait-il à ses confidents, que mon fils perde la raison ? Il en a toujours tant marqué ! Vous savez l’admiration qu’on a