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passage du bûcheron ou du pâtre, et qui ne sont pas si fières avec les pauvres gens, qu’elles ne lient conversation avec eux.

Cette religion superstitieuse des fées, que l’on retrouve de tout temps dans les esprits rustiques, dans les récits de la chaumière ou du cabaret, mérite une étude à part, et c’est cette étude que nous allons entreprendre, après ces préliminaires, qui ne nous ont point paru superflus.

II

Et d’abord, le nom avant la personne, le mot avant la chose. D’où vient le mot fée, et que signifie-t-il ? Là-dessus, les philologues sont loin de s’entendre. Essayons de dégager une solution de ces controverses et de ces mêlées d’opinions. Selon Littré, on doit entendre par fées « des êtres fantastiques, à qui l’on attribuait un pouvoir surnaturel, le don de divination et une très grande influence sur la destinée, et que l’on se figurait avec une baguette signe de leur puissance ».

Cette dernière partie de la définition semble contestable : car la baguette n’est pas l’arme, n’est pas l’attribut indispensable, caractéristique, des fées, selon les images traditionnelles ; la quenouille, l’aiguille, font aussi partie de Leur arsenal habituel ; elles ne dédaignent pas de manier ces instruments familiers, de filer, de coudre, de broder des ouvrages aussi merveilleux que le pouvoir surnaturel dont elles sont investies.

Ce pouvoir s’étend à tout, et l’expression de féerique, pour signifier quelque chose d’exquis, de parfait, est à la mode dès Voiture. « Nous arrivâmes au logis, dit-il dans une de ses lettres, où nous trouvâmes une table qui semblait avoir été servie par les fées. » Mme  de Sévigné, se félicitant et s’émerveillant des succès de son petit-fils, le marquis de Grignan, à la cour et à la guerre, écrit : « Les fées ont soufflé sur toute la campagne du marquis ; il a plu à tout le monde, et par sa bonne contenance dans le péril, et par sa conduite gaie et sage. »

Chose qu’il est bon de noter dès le début, la fée apparaît à l’imagination populaire sous deux formes, deux aspects très différents, et même contraires, suivant l’influence favorable ou néfaste qu’elle représente : tantôt petite, svelte, mignonne, gra-