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phyre, car chacun se piquait de les embellir. Un jour que la reine était assise au bord de la fontaine, elle dit à toutes ses dames de s’éloigner et de la laisser seule ; puis elle commença ses plaintes ordinaires, « Ne suis-je pas bien malheureuse, dit-elle, de n’avoir point d’enfants ? Les plus pauvres femmes en ont ; il y a cinq ans que j’en demande au ciel, je n’ai pu encore le toucher. Mourrai-je sans avoir cette satisfaction ? »

Comme elle parlait ainsi, elle remarqua que l’eau de la fontaine s’agitait ; puis une grosse écrevisse parut, et lui dit : « Grande reine, vous aurez enfin ce que vous désirez. Je vous avertis qu’il y a ici proche un palais superbe que les fées ont bâti ; mais il est impossible de le trouver, parce qu’il est environné de nuées fort épaisses, que l’œil d’une personne mortelle ne peut pénétrer ; cependant, comme je suis votre très humble servante, si vous voulez vous fier à la conduite d’une pauvre écrevisse, je m’offre de vous y mener. »

La reine l’écoutait sans l’interrompre, la nouveauté de voir parler une écrevisse l’ayant fort surprise. Elle lui dit qu’elle accepterait avec plaisir ses offres, sans qu’elle ne savait pas aller en reculant comme elle. L’écrevisse sourit, et sur-le-champ elle prit la figuré d’une belle petite vieille. « Eh bien ! Madame, lui dit-elle, n’allons pas à reculons, j’y consens ; mais surtout regardez-moi comme une de vos amies, car je ne souhaite que ce qui peut vous être avantageux. »

Elle sortit de la fontaine sans être mouillée ; ses habits étaient blancs, doublés de cramoisi, et ses cheveux gris tous renoués de rubans verts. Il ne s’est guère vu de vieille