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son sac, et lui dit : « Je crains si peu d’interrompre le repos du roi, que si vous voulez ne lui point donner d’opium ce soir, en cas que je couche dans ce même cabinet, toutes ces perles et tous ces diamants seront pour vous. » Le valet de chambre y consentit, et lui en donna sa parole.

À quelques moments de là Truitonne vint ; elle aperçut la reine avec son pâté, qui feignait de le vouloir manger. « Que fais-tu là, ma Mie-Souillon ? lui dit-elle. — Madame, répliqua Florine, je mange des astrologues, des musiciens et des médecins. » En même temps tous les oiseaux, se mettent à chanter plus mélodieusement que des sirènes ; puis ils s’écrièrent : « Donnez la pièce blanche, et nous vous dirons votre bonne aventure. » Un canard, qui dominait, dit plus haut que les autres : « Can, can, can, je suis médecin, je guéris de tous maux et de toute sorte de folie, hormis de celle d’amour. » Truitonne, plus surprise de tant de merveilles qu’elle l’eût été de ses jours, jura : « Par la vertuchou, voilà un excellent pâté ! je le veux avoir. Çà, çà, Mie-Souillon, que t’en donnerais-je ? — Le prix ordinaire, dit-elle : coucher dans le cabinet des échos, et rien davantage. — Tiens, dit généreusement Truitonne (car elle était de belle humeur par l’acquisition d’un tel pâté), tu en auras une pistole. » Florine, plus contente qu’elle l’eût encore été, parce qu’elle espérait que le roi l’entendrait, se retira en la remerciant.

Dès que la nuit parut, elle se fit conduire dans le cabinet, souhaitant avec ardeur que le valet de chambre lui tînt parole, et qu’au lieu de donner de l’opium au roi, il lui présentât quelque autre chose qui pût le tenir éveillé. Lorsqu’elle crut que chacun s’était endormi, elle commença ses