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cria mille fois sur l’infidélité de cette princesse, et dit qu’il s’estimerait heureux d’être mort avant que d’avoir connu son méchant cœur. Le magicien se déchaîna contre elle et contre toutes les femmes ; il conseilla au roi de l’oublier. « Quel malheur serait le vôtre, lui dit-il, si vous étiez capable d’aimer plus longtemps cette ingrate ! Après ce qu’elle vient de vous faire, l’on en doit tout craindre. » L’oiseau bleu n’en put demeurer d’accord, il aimait encore trop chèrement Florine ; et l’enchanteur, qui connut ses sentiments malgré le soin qu’il prenait de les cacher, lui dit d’une manière agréable :

Accablé d’un cruel malheur,
En vain l’on parle et l’on raisonne ;
On n’écoute que sa douleur,
Et point les conseils qu’on nous donne.
Il faut laisser faire le temps,
Chaque chose a son point de vue ;
Et, quand l’heure n’est pas venue,
On se tourmente vainement.

Le royal oiseau en convint, et pria son ami de le porter chez lui et de le mettre dans une cage où il fût à couvert de la patte du chat et de toute arme meurtrière. « Mais, lui dit l’enchanteur, resterez-vous encore cinq ans dans un état si déplorable et si peu convenable à vos affaires et à votre dignité ? Car, enfin, vous avez des ennemis qui soutiennent que vous êtes mort ; ils veulent envahir votre royaume : je crains bien que vous ne l’ayez perdu avant d’avoir recouvré votre première forme. — Ne pourrai-je pas, répliqua-t-il, aller dans mon palais, et gouverner tout comme je faisais ordinairement ?