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mon sein. » Ces funestes idées l’accablèrent à tel point qu’il résolut de mourir.

Mais son ami l’enchanteur, qui avait vu revenir chez lui les grenouilles volantes avec le chariot sans que le roi parût, se mit si en peine de ce qui pouvait lui être arrivé, qu’il parcourut huit fois toute la terre pour le chercher, sans qu’il lui fût possible de le trouver. Il faisait son neuvième tour, lorsqu’il passa dans le bois où il était, et, selon les règles qu’il s’était prescrites, il sonna du cor assez longtemps, et puis il cria cinq fois de toute sa force : « Roi Charmant, roi Charmant, où êtes-vous ? » Le roi reconnut la voix de son meilleur ami, « Approchez, lui dit-il, de cet arbre, et voyez le malheureux roi que vous chérissez noyé dans son sang. » L’enchanteur, tout surpris, regardait de tous côtés sans rien voir. « Je suis l’oiseau bleu, » dit le roi d’une voix faible et languissante. À ces mots, l’enchanteur le trouva sans peine dans son petit nid. Un autre que lui aurait été étonné plus qu’il ne le fut ; mais il n’ignorait aucun tour de l’art nécromancien ; il ne lui en coûta que quelques paroles pour arrêter le sang qui coulait encore, et avec des herbes qu’il trouva dans le bois, et sur lesquelles il dit deux mots de grimoire, il guérit le roi aussi parfaitement que s’il n’avait pas été blessé.

Il le pria ensuite de lui apprendre par quelle aventure il était devenu oiseau, et qui l’avait blessé si cruellement. Le roi contenta sa curiosité : il lui dit que c’était Florine qui avait décelé le mystère amoureux des visites secrètes qu’il lui rendait, et que, pour faire sa paix avec la reine, elle avait consenti à laisser garnir le cyprès de poignards et de rasoirs par lesquels il avait été presque haché ; il se ré-