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plaignait. « Souffrirai-je encore longtemps ? disait-elle. La mort ne viendra-t-elle point à mon secours ? Ceux qui la craignent ne la voient que trop tôt ; je la désire, et la cruelle me fuit. Ah ! barbare reine, que t’ai-je fait pour me retenir dans une captivité si affreuse ? N’as-tu pas assez d’autres endroits pour me désoler ? Tu n’as qu’à me rendre témoin du bonheur que ton indigne fille goûte avec le roi Charmant ! » L’oiseau bleu n’avait pas perdu un mot de cette plainte ; il en demeura bien surpris, et il attendait le jour avec la dernière impatience pour voir la dame affligée ; mais, avant qu’il vînt, elle avait fermé la fenêtre et s’était retirée.

L’oiseau, curieux, ne manqua pas de revenir la nuit suivante. Il faisait clair de lune : il vit une fille à la fenêtre de la tour qui commençait ses regrets. « Fortune, disait-elle, toi qui me flattais de régner, toi qui m’avais rendu l’amour de mon père, que t’ai-je fait pour me plonger tout d’un coup dans les plus amères douleurs ? Est-ce dans un âge aussi tendre que le mien qu’on doit commencer à ressentir ton inconstance ? Reviens, barbare, reviens, s’il est possible ; je te demande pour toute faveur de terminer ma fatale destinée. » L’oiseau bleu écoutait, et plus il écoutait, plus il se persuadait que c’était son aimable princesse qui se plaignait. Il lui dit : « Adorable Florine, merveille de nos jours ! pourquoi voulez-vous finir si promptement les vôtres ? Vos maux ne sont point sans remède. — Hé ! qui me parle, s’écria-t-elle, d’une manière si consolante ? — Un roi malheureux, reprit l’oiseau, qui vous aime et n’aimera jamais que vous. —— Un roi qui m’aime ! ajouta-t-elle. Est-ce ici un piège que me tend mon ennemie ? Mais, au fond, qu’y gagnera-t-elle ?