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mais mais assez hardi pour me manquer de respect. — Je consens, répliqua le roi, de vous respecter autant qu’une fée est respectable, pourvu que vous me rendiez ma princesse. — Est-ce que je ne le suis pas, parjure ? dit Truitonne en lui montrant sa bague. À qui as-tu donné cet anneau pour gage de ta foi ? À qui as-tu parlé à la petite fenêtre, si ce n’est à moi ? — Comment donc ! reprit-il, j’ai été déçu et trompé ! Non, non, je n’en serai point la dupe. Allons, allons, mes grenouilles, mes grenouilles ! je veux partir tout à l’heure. — Oh ! ce n’est pas une chose en votre pouvoir, si je n’y consens, » dit Soussio.

Elle le toucha, et ses pieds s’attachèrent au parquet comme si on les y avait cloués. « Quand vous me lapideriez, lui dit le roi, quand vous m’écorcheriez, je ne serai point à une autre qu’à Florine ; j’y suis résolu, et vous pouvez après cela user de votre pouvoir à votre gré. » Soussio employa la douceur, les menaces, les promesses, les prières. Truitonne pleura, cria, gémit, se fâcha, s’apaisa. Le roi ne disait pas un mot, et, les regardant toutes deux avec l’air du monde le plus indigné, il ne répondait rien à tous leurs verbiages.

Il se passa ainsi vingt jours et vingt nuits sans qu’elles cessassent de parler, sans manger, sans dormir et sans s’asseoir. Enfin Soussio, à bout et fatiguée, dit au roi : « Oh bien, vous êtes un opiniâtre qui ne voulez pas entendre raison ; choisissez, ou d’être sept ans en pénitence pour avoir donné votre parole sans la tenir, ou d’épouser ma filleule. » Le roi, qui avait gardé un profond silence, s’écria tout à coup : « Faites de moi tout ce que vous voudrez, pourvu que je sois délivré de cette maussade. — Maussade vous-même ! dit Truitonne en colère ; je vous trouve un plaisant