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bien touché, envoya quérir ceux qu’elle avait mis dans sa confidence, et elle passa le reste de la nuit à les questionner : tout ce qu’ils lui disaient ne servait qu’à confirmer l’opinion où elle était que le roi aimait Florine. Mais que vous dirai-je de la mélancolie de cette pauvre princesse ? Elle était couchée par terre dans le donjon de cette terrible tour où les hommes masqués l’avaient emportée. « Je serais moins à plaindre, disait-elle, si l’on m’avait mise ici avant que j’eusse vu cet aimable roi ; l’idée que j’en conserve ne peut servir qu’à augmenter mes peines. Je ne dois pas douter que c’est pour m’empêcher de le voir davantage que la reine me traite si cruellement. Hélas ! que le peu de beauté dont le ciel m’a pourvue coûtera cher à mon repos ! » Elle pleurait ensuite si amèrement, si amèrement, que sa propre ennemie en aurait eu pitié, si elle avait été témoin de ses douleurs.

C’est ainsi que cette nuit se passa. La reine, qui voulait engager le roi Charmant par tous les témoignages qu’elle pourrait lui donner de son attention, lui envoya des habits d’une richesse et d’une magnificence sans pareille, faits à la mode du pays, et l’ordre des Chevaliers d’Amour, qu’elle avait obligé le roi d’instituer le jour de leurs noces. C’était un cœur d’or émaillé de couleur de feu, entouré de plusieurs flèches et percé d’une, avec ces mots : Une seule me blesse. La reine avait fait tailler pour Charmant un cœur d’un rubis gros comme un œuf d’autruche ; chaque flèche était d’un seul diamant, longue comme le doigt, et la chaîne où ce cœur tenait était faite de perles, dont la plus petite pesait une livre ; enfin, depuis que le monde est monde, il n’avait rien paru de tel.

Le roi, à cette vue, demeura si surpris qu’il fut quelque