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À quelque temps de là l’on apprit que le roi Charmant devait arriver. Jamais prince n’a porté plus loin la galanterie et la magnificence ; son esprit et sa personne n’avaient rien qui ne répondît à son nom. Quand la reine sut ces nouvelles, elle employa tous les brodeurs, tous les tailleurs, et tous les ouvriers à faire des ajustements à Truitonne ; elle pria le roi que Florine n’eût rien de neuf, et, ayant gagné ses femmes, elle lui fit voler tous ses habits, toutes ses coiffures et toutes ses pierreries le jour même que Charmant arriva ; de sorte que, lorsqu’elle se voulut parer, elle ne trouva pas un ruban. Elle vit bien d’où lui venait ce bon office ; elle envoya chez les marchands pour avoir des étoffes : ils répondirent que la reine avait défendu qu’on lui en donnât. Elle demeura donc avec une petite robe fort crasseuse, et sa honte était si grande, qu’elle se mit dans le coin de la salle lorsque le roi Charmant arriva.

La reine le reçut avec de grandes cérémonies ; elle lui présenta sa fille plus brillante que le soleil, et plus laide par toutes ses parures qu’elle ne l’était ordinairement. Le roi en détourna les veux ; la reine voulait se persuader qu’elle lui plaisait trop et qu’il craignait de s’engager, de sorte qu’elle la faisait toujours mettre devant lui. Il demanda s’il n’y avait pas encore une autre princesse appelée Florine. « Oui, dit Truitonne, en la montrant avec le doigt ; la voilà qui se cache, parce qu’elle n’est pas brave. » Florine rougit, et devint si belle, si belle, que le roi Charmant demeura comme un homme ébloui. Il se leva promptement, et fit une profonde révérence à la princesse. « Madame, lui dit-il, votre incomparable beauté vous pare trop pour que vous ayez besoin d’aucun secours étranger. — Seigneur, répli-