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ment. « Qu’ai-je fait ! s’écria Bel-à-Voir. Quoi ! après tant de cruelles agitations ; quoi ! après avoir tant balancé si je garderais mes serments aux dépens d’un crime, j’ai ôté la vie à une charmante princesse, que j’étais né pour aimer ! Ses charmes m’ont ravi dès le moment que je l’ai vue ; cependant je n’ai pas eu la force de m’affranchir d’un serment qu’un frère possédé de fureur avait exigé de moi par une indigne surprise ! Ah ciel ! peut-on songer à vouloir punir une femme d’avoir trop de vertu ? Eh bien ! Riche-Cautèle, j’ai satisfait ton injuste vengeance ; mais je vais venger Finette, à son tour, par ma mort. Oui, belle princesse, il faut que la même épée… »

À ces mots, Finette entendit que le prince, qui, dans son transport, avait laissé tomber son épée, la cherchait pour se la passer au travers du corps : elle ne voulut pas qu’il fît une telle sottise ; ainsi elle lui cria : « Prince, je ne suis pas morte. Votre bon cœur m’a fait deviner votre repentir ; et, par une tromperie innocente, je vous ai épargné un crime. »

Là-dessus, Finette raconta à Bel-à-Voir la prévoyance qu’elle avait eue touchant la femme de paille. Le prince, transporté de joie d’apprendre que la princesse vivait, admira la prudence qu’elle avait eue en toutes sortes d’occasions, et lui eut une obligation infinie de lui avoir épargné un crime auquel il ne pouvait penser sans horreur ; et il ne comprenait pas comment il avait eu la faiblesse de ne pas voir la nullité des malheureux serments qu’on avait exigés de lui par artifice.

Cependant, si Finette n’eût pas toujours été bien persuadée que défiance est mère de sûreté, elle eût été tuée, et sa mort eût été cause de celle de Bel-à-Voir ; et puis après on