Page:Lescure - Le Monde enchanté.djvu/176

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lui en fit compliment, mais d’une manière si confuse, que les deux cours, qui savaient combien ce prince était spirituel et galant, crurent qu’il en était si vivement touché, qu’à force d’être amoureux il perdait sa présence d’esprit. Toute la ville retentissait de cris de joie, et l’on n’entendait de tous côtés que des concerts et des feux d’artifice. Enfin, après un souper magnifique, on songea à mener les deux époux dans leur appartement.

Finette, qui se souvenait toujours de la maxime que la fée lui avait renouvelée dans l’esprit, avait son dessein en tête. Cette princesse avait gagné une de ses femmes qui avait la clef du cabinet de l’appartement qu’on lui destinait, et elle avait donné ordre à cette femme de porter dans ce cabinet de la paille, une vessie, du sang de mouton, et les boyaux de quelques-uns des animaux qu’on avait mangés au souper. La princesse passa dans ce cabinet sous quelque prétexte, et composa une figure de paille, dans laquelle elle mit les boyaux et la vessie pleine de sang. Ensuite elle ajusta cette figure en déshabillé de femme, et en bonnet de nuit. Lorsque Finette eut achevé cette belle marionnette, elle alla rejoindre la compagnie, et, peu de temps après, ou conduisit la princesse et son époux dans leur appartement. Quand on eut donné à la toilette le temps qu’il lui fallait donner, la dame d’honneur emporta les flambeaux et se retira. Aussitôt Finette jeta la femme de paille dans le lit, et se cacha dans un des coins de la chambre.

Le prince, après avoir soupiré deux ou trois fois fort haut, prit son épée, et la passa au travers du corps de la prétendue Finette. Au même moment, il sentit le sang ruisseler de tous côtés, et trouva la femme de paille sans mouve-