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Quand Finette fut dans cette ville, elle apprit que la manière magnifique dont le prince Bel-à-Voir récompensait les remèdes qu’on donnait à son frère avait attiré à la cour tous les charlatans de l’Europe ; car, dès ce temps-là, il y avait quantité d’aventuriers sans emploi, sans talent, qui se donnaient pour des hommes admirables, qui avaient reçu des dons du ciel pour guérir toutes sortes de maux. Ces gens, dont la seule science était de fourber hardiment, trouvaient toujours beaucoup de croyance parmi les peuples. Ils savaient leur en imposer par leur extérieur extraordinaire et par les noms bizarres qu’ils prenaient. Ces sortes de médecins ne restent jamais dans le lieu de leur naissance ; et la prérogative de venir de loin souvent leur tient lieu de mérite chez le vulgaire.

L’ingénieuse princesse, bien informée de tout cela, se donna un nom étranger pour ce royaume-là : ce nom était Sanatio ; puis elle fit annoncer de tous côtés que le chevalier Sanatio était arrivé avec des secrets merveilleux pour guérir toutes sortes de blessures les plus dangereuses et les plus envenimées. Aussitôt Bel-à-Voir envoya quérir le prétendu chevalier. Finette vint, fit le médecin empirique le mieux du monde, débita cinq ou six mots de l’art d’un air cavalier : rien n’y manquait. Cette princesse fut surprise de la bonne mine et des manières agréables de Bel-à-Voir ; et, après avoir raisonné quelque temps avec ce prince au sujet des blessures de Riche-Cautèle, elle dit qu’elle allait quérir une bouteille d’une eau incomparable, et que cependant elle laissait deux boîtes qu’elle avait apportées, et qui contenaient des onguents excellents propres au prince blessé.

Là-dessus, le prétendu médecin sortit ; il ne revenait