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cœur et sa foi qu’il avait fait l’entreprise d’entrer dans la tour. Il louait avec exagération sa beauté et son esprit ; et Babillarde, qui était très persuadée qu’elle possédait un mérite extrême, fut assez folle pour croire ce que le prince lui disait : elle lui répondit un flux de paroles, qui n’étaient pas trop désobligeantes.

Il fallait que cette princesse eût une étrange fureur de parler, pour s’en acquitter comme elle faisait dans ce moment ; car elle était dans un abattement terrible, outre qu’elle n’avait rien mangé de la journée, par la raison qu’il n’y avait rien dans sa chambre propre à manger.

Comme elle était d’une paresse extrême, et qu’elle ne songeait jamais à rien qu’à toujours parler, elle n’avait pas la moindre prévoyance : quand elle avait besoin de quelque chose, elle avait recours à Finette ; et cette aimable princesse, qui était aussi laborieuse et prévoyante que ses sœurs l’étaient peu, avait toujours dans sa chambre une infinité de massepains, de pâtes et de confitures sèches et liquides qu’elle avait faites elle-même. Babillarde donc, qui n’avait pas un pareil avantage, se sentant pressée par la faim et par les tendres protestations que lui faisait le prince au travers de la porte, l’ouvrit enfin à ce séducteur ; et, quand elle eut ouvert, il fit encore parfaitement le comédien auprès d’elle : il avait bien étudié son rôle.

Ensuite ils sortirent tous deux de cette chambre, et s’en allèrent à l’office du château, où ils trouvèrent toutes sortes de rafraîchissements ; car le corbillon en fournissait toujours les princesses d’avance. Babillarde continuait d’abord à être en peine de ce qu’étaient devenues ses sœurs ; mais elle s’alla mettre dans l’esprit, sur je ne sais quel fondement,