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avait eu soin d’attacher une poulie à une des fenêtres de la tour, et on y avait mis une corde à laquelle les princesses attachaient un corbillon qu’elles descendaient chaque jour. Dans ce corbillon on mettait leurs provisions pour la journée, et, quand elles l’avaient remonté, elles retiraient avec soin la corde dans la chambre.

Nonchalante et Babillarde menaient dans cette solitude une vie qui les désespérait : elles s’ennuyaient à un point qu’on ne saurait exprimer ; mais il fallait prendre patience ; car on leur avait fait la quenouille si terrible, qu’elles craignaient que la moindre démarche un peu équivoque ne la fît casser.

Pour Finette, elle ne s’ennuyait point du tout ; son fuseau, son aiguille et ses instruments de musique lui fournissaient des amusements ; et, outre cela, par l’ordre du ministre qui gouvernait l’État, on mettait dans le corbillon des princesses des lettres qui les informaient de tout ce qui se passait au dedans et au dehors du royaume. Le roi l’avait permis ainsi ; et le ministre, pour faire sa cour aux princesses, ne manquait pas d’être exact sur cet article. Finette lisait toutes ces nouvelles avec empressement, et s’en divertissait. Pour ses deux sœurs, elles ne daignaient pas y prendre la moindre part ; elles disaient qu’elles étaient trop chagrines pour avoir la force de s’amuser de si peu de chose ; il leur fallait au moins des cartes pour se désennuyer pendant l’absence de leur père.

Elles passaient donc ainsi tristement leur vie, en murmurant contre leur destin ; et je crois qu’elles ne manquèrent pas de dire qu’il vaut mieux être né heureux que d’être né fils de roi. Elles étaient souvent aux fenêtres de leur tour, pour voir du moins ce qui se passait dans la campagne. Un jour,