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dont je vous parle, étant ami intime d’une de ces habiles femmes, alla trouver cette amie ; il lui représenta l’inquiétude où il était touchant ses filles. « Ce n’est pas, lui dit ce prince, que les deux aînées, dont je m’inquiète, aient jamais fait la moindre chose contre leur devoir ; mais elles ont si peu d’esprit, elles sont si imprudentes, et vivent dans une si grande désoccupation, que je crains que, pendant mon absence, elles n’aillent s’embarquer dans quelque folle intrigue pour trouver de quoi s’amuser. Pour Finette, je suis sûr de sa vertu ; cependant je la traiterai comme les autres, pour faire tout égal ; c’est pourquoi, sage fée, je vous prie de me faire trois quenouilles de verre pour mes filles, qui soient faites avec un tel art, que chaque quenouille ne manque point de se casser sitôt que celle à qui elle appartiendra fera quelque chose contre sa gloire. »

Comme cette fée était des plus habiles, elle donna à ce prince trois quenouilles enchantées, et travaillées avec tous les soins nécessaires pour le dessein qu’il avait. Mais il ne fut pas content de cette précaution ; il mena les princesses dans une tour fort haute, qui était bâtie dans un lieu bien désert. Le roi dit à ses filles qu’il leur ordonnait de faire leur demeure dans cette tour pendant tout le temps de son absence, et qu’il leur défendait d’y recevoir aucune personne que ce fût. Il leur ôta tous leurs officiers de l’un ou de l’autre sexe ; et, après leur avoir fait présent des quenouilles enchantées, dont il leur expliqua les qualités, il embrassa les princesses et ferma les portes de la tour, dont il prit lui-même les clefs ; puis il partit.

Vous allez peut-être croire, Madame, que ces princesses étaient là en danger de mourir de faim. Point du tout : on