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son épouse depuis assez peu de temps : elle ne lui avait point laissé de fils ; mais il se voyait père de trois jeunes princesses à marier. Ma chronique ne m’a point appris leur véritable nom ; je sais seulement que, comme en ces temps heureux la simplicité des peuples donnait sans façon des surnoms aux personnes éminentes, suivant leurs bonnes qualités ou leurs défauts, on avait surnommé l’aînée de ces princesses Nonchalante, ce qui signifie indolente en style moderne ; la seconde, Babillarde ; et la troisième Finette, noms qui avaient tous un juste rapport aux caractères de ces trois sœurs.

Jamais on n’a rien vu de si indolent qu’était Nonchalante. Tous les jours elle n’était pas éveillée à une heure après midi : on la traînait à l’église telle qu’elle sortait de son lit, sa coiffure en désordre, sa robe détachée, point de ceinture, et souvent une mule d’une façon et une de l’autre. On corrigeait cette différence durant la journée ; mais on ne pouvait résoudre cette princesse à être jamais autrement qu’en mules : elle trouvait une fatigue insupportable à mettre des souliers. Quand Nonchalante avait dîné, elle se mettait à sa toilette, où elle était jusqu’au soir ; elle employait le reste de son temps, jusqu’à minuit, à jouer et à souper ; ensuite on était presque aussi longtemps à la déshabiller qu’on avait été à l’habiller : elle ne pouvait jamais parvenir à aller se coucher qu’au grand jour.

Babillarde menait une autre sorte de vie. Cette princesse était fort vive, et n’employait que peu de temps pour sa personne ; mais elle avait une envie de parler si étrange, que, depuis qu’elle était éveillée jusqu’à ce qu’elle fût endormie, la bouche ne lui fermait pas. Elle savait l’histoire des mau-