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(car les bottes de sept lieues fatiguent fort leur homme), voulut se reposer ; et, par hasard, il alla s’asseoir sur la roche où les petits garçons s’étaient cachés.

Comme il n’en pouvait plus de fatigue, il s’endormit, après s’être reposé quelque temps, et vint à ronfler si effroyablement, que les pauvres enfants n’eurent pas moins de peur que quand il tenait son grand couteau pour leur couper la gorge. Le Petit-Poucet en eut moins de peur, et dit à ses frères de s’enfuir promptement à la maison pendant que l’Ogre dormait bien fort, et qu’ils ne se missent point en peine de lui. Ils crurent son conseil, et gagnèrent vite la maison.

Le Petit-Poucet, s’étant approché de l’Ogre, lui tira doucement ses bottes, et les mit aussitôt. Les bottes étaient fort grandes et fort larges ; mais, comme elles étaient fées[1], elles avaient le don de s’agrandir et de s’apetisser selon la jambe de celui qui les chaussait ; de sorte qu’elles se trouvèrent aussi justes à ses pieds et à ses jambes que si elles eussent été faites pour lui.

Il alla droit à la maison de l’Ogre, où il trouva sa femme qui pleurait auprès de ses filles égorgées. « Votre mari, lui dit le Petit-Poucet, est en grand danger, car il a été pris par une troupe de voleurs, qui ont juré de le tuer, s’il ne leur donne tout son or et tout son argent. Dans le moment qu’ils lui tenaient le poignard sur la gorge, il m’a aperçu, et m’a prié de vous venir avertir de l’état où il est, et de vous dire de me donner tout ce qu’il a vaillant, sans en rien retenir, parce qu’autrement ils le tueront sans miséricorde. Comme

  1. C’est-à-dire enchantées.