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ces pauvres enfants, il l’aiguisait sur une longue pierre, qu’il tenait à sa main gauche. Il en avait déjà empoigné un, lorsque sa femme lui dit : « Que voulez-vous faire à l’heure qu’il est ? N’aurez-vous pas assez de temps demain ? — Tais-toi, reprit l’Ogre, ils en seront plus mortifiés. — Mais vous avez encore tant de viande, reprit sa femme : voilà un veau, deux moutons et la moitié d’un cochon. — Tu as raison, dit l’Ogre ; donne-leur bien à souper, afin qu’ils ne maigrissent pas, et va les mener coucher. »

La bonne femme fut ravie de joie, et leur porta bien à souper ; mais ils ne purent manger, tant ils étaient saisis de peur. Pour l’Ogre, il se remit à boire, ravi d’avoir de quoi si bien régaler ses amis. Il but une douzaine de coups de plus qu’à l’ordinaire ; ce qui lui donna un peu dans la tête, et l’obligea de s’aller coucher.

L’Ogre avait sept filles, qui n’étaient encore que des enfants. Les petites ogresses avaient toutes le teint fort beau, parce qu’elles mangeaient de la chair fraîche, comme leur père ; mais elles avaient de petits yeux gris et tout ronds, le nez crochu, et une fort grande bouche, avec de longues dents fort aiguës et fort éloignées l’une de l’autre. Elles n’étaient pas encore fort méchantes ; mais elles promettaient beaucoup, car elles mordaient déjà les petits enfants pour en sucer le sang.

On les avait fait coucher de bonne heure, et elles étaient toutes sept dans un grand lit, ayant chacune une couronne d’or sur la tête. Il y avait dans la même chambre un autre lit de la même grandeur : ce fut dans ce lit que la femme de l’Ogre mit coucher les sept petits garçons ; après quoi, elle s’alla coucher auprès de son mari.