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la main, dans la chambre de la jeune reine ; il ne voulut pourtant point la surprendre, et il lui dit, avec beaucoup de respect, l’ordre qu’il avait reçu de la reine mère. « Faites votre devoir, lui dit-elle, en lui tendant le col ; exécutez l’ordre qu’on vous a donné ; j’irai revoir mes enfants, mes pauvres enfants que j’ai tant aimés ! » Elle les croyait morts, depuis qu’on les avait enlevés sans lui rien dire.

« Non, non, Madame, lui répondit le pauvre maître d’hôtel tout attendri, vous ne mourrez point, et vous ne laisserez pas d’aller revoir vos chers enfants ; mais ce sera chez moi où je les ai cachés, et je tromperai encore la reine, en lui faisant manger une jeune biche en votre place. » Il la mena aussitôt à sa chambre, où, la laissant embrasser ses enfants et pleurer avec eux, il alla accommoder une biche, que la reine mangea à son souper, avec le même appétit que si c’eût été la reine : elle était bien contente de sa cruauté, et elle se préparait à dire au roi, à son retour, que les loups enragés avaient mangé la reine sa femme et ses deux enfants.

Un soir qu’elle rôdait, à son ordinaire, dans les cours et basses-cours du château, pour y halener[1] quelque viande fraîche, elle entendit, dans une salle basse, le petit Jour qui pleurait, parce que la reine sa mère le voulait faire fouetter, à cause qu’il avait été méchant ; et elle entendit aussi la petite Aurore qui demandait pardon pour son frère. L’ogresse reconnut la voix de la reine et de ses enfants ; et, furieuse d’avoir été trompée, elle commanda, dès le lendemain au matin, avec une voix épouvantable qui faisait

  1. Flairer