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cesse : chacun songeait à faire sa charge ; et, comme ils n’étaient pas tous amoureux, ils mouraient de faim. La dame d’honneur, pressée comme les autres, s’impatienta, et dit tout haut à la princesse que la viande était servie. Le prince aida la princesse à se relever : elle était tout habillée, fort magnifiquement, mais il se garda bien de lui dire qu’elle était habillée comme ma mère-grand, et qu’elle avait un collet monté ; elle n’en était pas moins belle.

Ils passèrent dans un salon de miroirs, et y soupèrent, servis par les officiers de la princesse. Les violons et les hautbois jouèrent de vieilles pièces, mais excellentes, quoiqu’il y eût près de cent ans qu’on ne les jouât plus, et après souper, sans perdre de temps, le grand aumônier les maria dans la chapelle du château, et la dame d’honneur leur tira le rideau. Ils dormirent peu : la princesse n’en avait pas grand besoin, et le prince la quitta dès le matin pour retourner à la ville, où son père devait être en peine de lui.

Le prince lui dit qu’en chassant il s’était perdu dans la forêt, et qu’il avait couché dans la hutte d’un charbonnier, qui lui avait fait manger du pain noir et du fromage. Le roi son père, qui était bonhomme, le crut ; mais sa mère n’en fut pas bien persuadée, et, voyant qu’il allait presque tous les jours à la chasse, et qu’il avait toujours une raison en main pour s’excuser quand il avait couché deux ou trois nuits dehors, elle ne douta plus qu’il n’eût quelque amourette ; car il vécut avec la princesse plus de deux ans entiers, et en eut deux enfants, dont le premier, qui fut une fille, fut nommée l’Aurore, et le second, un fils, qu’on nomma le Jour, parce qu’il paraissait encore plus beau que sa sœur.