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Cette hypothèse néfaste au progrès a cependant trouvé des défenseurs jusqu’au commencement du xixe siècle. Cuvier lui-même s’y était rallié. Aujourd’hui personne ne met plus en doute que le germe résultant de la conjugaison des deux éléments sexuels ou gamètes n’est qu’une cellule qui, par un travail admirable de prolifération et de différenciation, édifie le nouvel être peu à peu, organe par organe, pour ainsi dire, c’est-à-dire par épigenèse. Conséquemment les êtres, normaux ou anormaux, ne préexistent pas dans l’œuf, non plus que dans le spermatozoïde, ils se forment au cours du développement. Il convient d’ajouter toutefois, qu’ils y existent virtuellement, au moins dans leurs grandes lignes, et que, dans cette cellule-germe, se trouvent déjà des localisations, c’est-à-dire des particules prédestinées à tel ou tel développement ; c’est un complexe de germes partiels, et ainsi s’expliquent beaucoup de cas d’hérédité qui seraient incompréhensibles autrement[1]. Cependant toutes les anomalies ne remontent pas au zygote, c’est-à-dire à l’ovule fécondé, il en est un grand nombre qui résultent d’accidents survenus au cours de l’ontogenèse et peuvent être produites expérimentalement chez les animaux ovipares, en opérant par exemple sur des œufs de poule que l’on soumet, avant ou pendant l’incubation, à toutes sortes d’influences, physiques, chimiques, ou de manipulations. Divers auteurs, parmi lesquels il faut citer tout particulièrement C. Dareste, sont arrivés à produire ainsi des monstres à volonté. On est même parvenu avec des œufs de batraciens ou d’échinodermes à provoquer la parthénogenèse, c’est-à-dire le développement sans fécondation. Mais il ne semble pas que, jusqu’à ce jour, chez les animaux à sang chaud, mammifères et oiseaux, on ait réussi à produire artificiellement des monstres doubles ; on dirait que la cause de la diplogenèse, tout au moins chez eux, soit inhérente au germe ? Nous reviendrons dans la suite de cet ouvrage sur cette question encore controversée.

Chez les mammifères, les expériences de tératogenèse sont évidemment beaucoup moins faciles que chez les ovipares. Cependant Ch. Féré, Charin et d’autres expérimentateurs ont réussi à troubler le développement de l’embryon en injectant à des femelles gestantes des produits toxiques ou microbiens, en leur inoculant certaines maladies infectieuses. L’alcoolisme, la tuberculose, la syphilis sont considérés à juste titre comme des facteurs tératogéniques puissants. Les carences

  1. V. Duesberg de Liège ; l’œuf et ses localisations germinales, collection des problèmes biologiques.