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fois leurs malades. Aussitôt que le bruit de l’arrivée de ces derniers se répandit dans le château, on n’y entendit que des plaintes et des gémissements ; on y regarda la mort du maître comme prochaine, tant on y était prévenu contre ces messieurs ! Ils avaient amené avec eux un apothicaire et un chirurgien, ordinaires exécuteurs de leurs ordonnances. Ils laissèrent d’abord les notaires faire leur métier, après quoi ils se disposèrent à faire le leur. Comme ils étaient dans les principes du docteur Sangrado, dès la première consultation ils ordonnèrent saignée sur saignée, en sorte qu’au bout de six jours ils réduisirent le comte-duc à l’extrémité, et le septième ils le délivrèrent de sa vision.

Après la mort de ce ministre, il régna dans le château de Loeches[1] une vive et sincère douleur. Tous ses domestiques le pleurèrent amèrement. Bien loin de se consoler de sa perte par la certitude d’être compris dans son testament, il n’y en avait pas un qui n’eût volontiers renoncé à son legs pour le rappeler à la vie. Pour moi, qu’il avait le plus chéri, et qui m’étais attaché à lui par pure inclination pour sa personne, j’en fus encore plus touché que les autres. Je doute qu’Antonia m’ait coûté plus de larmes que le comte-duc.


CHAPITRE XII

De ce qui se passa au château de Loeches après la mort du comte-duc, et du parti que prit Santillane.


Le ministre, ainsi qu’il l’avait ordonné, fut inhumé sans pompe et sans éclat dans le monastère des religieuses, au bruit de nos lamentations. Après les funé-

  1. Il y a ici une erreur. Ce n’est point à Loeches qu’Olivarès mourut. Il avait été relégué de Loeches à Toro : mais Le Sage a suivi la version des Anecdotes relatives à l’exil de ce ministre.