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le fond je suis le véritable père, je l’adopte ; c’est une chose résolue.

Quand je vis le que ministre avait en tête cette adoption, je cessai de le contredire, le connaissant pour homme capable de faire une sottise plutôt que de démordre de son sentiment. Il ne s’agit plus, ajouta-t-il, que de donner de l’éducation à don Henri-Philippe de Guzman (car c’est le nom que je prétends qu’il porte dans le monde, jusqu’à ce qu’il soit en état de posséder les dignités qui l’attendent). C’est toi, mon cher Santillane, que je choisis pour le conduire : je me repose sur ton esprit et sur ton attachement pour moi, du soin de faire sa maison, de lui donner toutes sortes de maîtres, en un mot de le rendre un cavalier accompli. Je voulus me défendre d’accepter cet emploi, en représentant au comte-duc qu’il ne me convenait guère d’élever de jeunes seigneurs, n’ayant jamais fait ce métier, qui demandait plus de lumières et de mérite que je n’en avais ; mais il m’interrompit, et me ferma la bouche en me disant qu’il prétendait absolument que je fusse le gouverneur de ce fils adopté, qu’il destinait aux premières charges de la monarchie. Je me préparai donc à remplir cette place pour contenter monseigneur, qui, pour prix de ma complaisance, grossit mon petit revenu d’une pension de mille écus qu’il me fit obtenir, ou plutôt qu’il me donna sur la commanderie de Mambra.


CHAPITRE V

Le fils de la Génoise est reconnu par acte authentique, et nommé don Henri-Philippe de Guzman. Santillane fait la maison de ce jeune seigneur, et lui donne toutes sortes de maîtres.


Effectivement, le comte-duc ne tarda guère à reconnaître le fils de doña Margarita Spinola, et l’acte de