Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/375

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que le poste de vice-roi allait faire rejaillir sur leur maison, ils ne pouvaient se lasser de me tenir des discours reconnaissants. Ils me parlaient même comme s’ils eussent parlé à un homme d’une condition égale à la leur ; il semblait qu’ils eussent oublié qu’ils avaient été mes maîtres ; ils croyaient ne pouvoir me témoigner assez d’amitié. Pour supprimer les circonstances inutiles, don Alphonse, après avoir reçu ses patentes, remercié le roi et son ministre, et prêté le serment ordinaire, partit de Madrid avec sa famille, pour aller établir son séjour à Saragosse. Il y fit son entrée avec toute la magnificence imaginable ; et les Aragonais firent connaître, par leurs acclamations, que je leur avais donné un vice-roi qui leur était fort agréable.


CHAPITRE XIII

Gil Blas rencontre chez le roi don Gaston de Cogollos et don André de Tordesillas ; où ils allèrent tous trois. Fin de l’histoire de don Gaston et de doña Helena de Galisteo. Quel service Santillane rendit à Tordesillas.


Je nageais dans la joie d’avoir si heureusement changé en vice-roi un gouverneur déplacé ; les seigneurs de Leyva même en étaient moins ravis que moi. J’eus bientôt encore une autre occasion d’employer mon crédit pour un ami ; ce que je crois devoir rapporter, pour faire connaître à mes lecteurs que je n’étais plus ce même Gil Blas qui, sous le ministre précédent, vendait les grâces de la cour.

J’étais un jour dans l’antichambre du roi, où je m’entretenais avec des seigneurs qui, me connaissant pour un homme chéri du premier ministre, ne dédaignaient pas ma conversation. J’aperçus dans la foule don Gaston de Cogollos, ce prisonnier d’État que j’a-