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t’ai choisi pour mon confident. Tu as de l’esprit ; je te crois sage, prudent, discret ; en un mot, tu me parais propre à te bien acquitter de vingt sortes de commissions qui demandent un garçon plein d’intelligence.

Je ne fus point à l’épreuve des images flatteuses que ces paroles offrirent à mon esprit. Quelques vapeurs d’avarice et d’ambition me montèrent subitement à la tête, et réveillèrent en moi des sentiments dont je croyais avoir triomphé. Je protestai au ministre que je répondrais de tout mon pouvoir à ses intentions, et je me tins prêt à exécuter sans scrupule tous les ordres dont il jugerait à propos de me charger.

Pendant que j’étais ainsi disposé à dresser de nouveaux autels à la fortune, Scipion revint de son voyage. Je n’ai pas, me dit-il, un long récit à vous faire. J’ai charmé les seigneurs de Leyva, en leur apprenant l’accueil que le roi vous a fait lorsqu’il vous a reconnu, et la manière dont le comte d’Olivarès en use avec vous.

J’interrompis Scipion : Mon ami, lui dis-je, tu leur aurais fait encore plus de plaisir, si tu leur avais pu dire sur quel pied je suis aujourd’hui auprès de monseigneur. C’est une chose prodigieuse que la rapidité des progrès que j’ai faits depuis ton départ dans le cœur de Son Excellence. Dieu en soit loué, mon cher maître ! me répondit-il : je pressens que nous aurons de belles destinées à remplir.

Changeons de matière, lui dis-je ; parlons d’Oviedo. Tu as été aux Asturies. Dans quel état y as-tu laissé ma mère ? Ah ! Monsieur, me repartit-il en prenant tout à coup un air triste, je n’ai que des nouvelles affligeantes à vous annoncer de ce côté-là. Ô ciel ! m’écriai-je, ma mère est morte assurément ! Il y a six mois, dit mon secrétaire, que la bonne dame a payé le tribut à la nature, aussi bien que le seigneur Gil Perez, votre oncle.

La mort de ma mère me causa une vive affliction,