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CHAPITRE VI

De l’usage que Gil Blas fit de ces trois cents pistoles, et des soins dont il chargea Scipion. Succès du mémoire dont on vient de parler.


Ce bienfait du ministre fournit à Scipion un nouveau sujet de me féliciter d’être venu à la cour : ce qu’il ne manqua pas de faire. Vous voyez, me dit-il, que la fortune a de grands desseins sur Votre Seigneurie. Êtes-vous fâché présentement d’avoir quitté votre solitude ? Vive le comte d’Olivarès ! c’est bien un autre patron que son prédécesseur. Le duc de Lerme, quoique vous lui fussiez fort attaché, vous laissa languir plusieurs mois sans vous faire présent d’une pistole ; et le comte vous a déjà fait une gratification que vous n’auriez osé espérer qu’après de longs services.

Je voudrais bien, ajouta-t-il, que les seigneurs de Leyva fussent témoins du bonheur dont vous jouissez ou du moins qu’ils le sussent. Il est temps de les en informer, lui répondis-je, et c’est de quoi j’allais te parler. Je ne doute pas qu’ils n’aient une extrême impatience d’apprendre de mes nouvelles ; mais j’attendais, pour leur en donner, que je me visse dans un état fixe, et que je pusse leur mander positivement si je demeurerais ou non à la cour. À présent que je sais bien à quoi m’en tenir, tu peux partir pour Valence quand il te plaira, pour aller instruire ces seigneurs de ma situation présente, que je regarde comme leur ouvrage, puisqu’il est certain que sans eux je ne me serais jamais déterminé à faire le voyage de Madrid. Cela étant, s’écria le fils de la Coscolina, don César et don Alphonse seront bientôt informés de l’état présent de vos affaires. Que je vais leur causer de joie en leur racontant ce qui vous est arrivé ! Que ne suis-je déjà