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a fait entendre raison au neveu. Je ne m’attendis plus qu’à un accueil favorable, et mon attente fut remplie. Le comte, après avoir donné audience à tout le monde, me fit passer dans son cabinet, où il me dit d’un air familier : Ami Santillane, pardonne-moi l’embarras où je t’ai mis pour me divertir ; je me suis fait un plaisir de t’inquiéter pour éprouver ta prudence, et voir ce que tu ferais dans ta mauvaise humeur. Je ne doute pas que tu te sois imaginé que tu me déplaisais ; mais au contraire, mon enfant, je t’avouerai que ta personne me revient on ne peut pas davantage. Oui, Santillane, tu me plais ; quand le roi mon maître ne m’aurait pas ordonné de prendre soin de ta fortune, je le ferais par ma propre inclination. D’ailleurs, don Baltazar de Zuniga, mon oncle, à qui je ne puis rien refuser, m’a prié de te regarder comme un homme pour lequel il s’intéresse ; il n’en faut pas davantage pour me déterminer à t’attacher à moi.

Ce début fit une si vive impression sur mes sens, qu’ils en furent troublés. Je me prosternai aux pieds du ministre, qui, m’ayant dit de me relever, poursuivit de cette manière : Reviens ici cette après-dînée, et demande mon intendant ; il t’apprendra les ordres dont je l’aurai chargé. À ces mots, Son Excellence sortit de son cabinet pour aller entendre la messe ; ce qu’elle avait coutume de faire tous les jours après avoir donné audience ; ensuite elle se rendait au lever du roi.


CHAPITRE IV

Gil Blas se fait aimer du comte d’Olivarès.


Je ne manquai pas de retourner l’après-dînée chez le premier ministre, et de demander son intendant, qui s’appelait don Raimond Caporis. Je ne lui eus pas sitôt