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LIVRE ONZIÈME


CHAPITRE PREMIER

De la plus grande joie que Gil Blas ait jamais sentie, et du triste accident qui la troubla. Des changements qui arrivèrent à la cour, et qui furent cause que Santillane y retourna.


J’ai déjà dit qu’Antonia et Béatrix s’accordaient ensemble parfaitement bien ; l’une étant accoutumée à vivre en soubrette soumise, et l’autre s’accoutumant volontiers à faire la maîtresse. Nous étions, Scipion et moi, des maris trop galants et trop chéris de nos femmes pour n’avoir pas bientôt la satisfaction d’être pères ; elles devinrent enceintes presque en même temps. Béatrix accoucha la première, mit au monde une fille ; et, peu de jours après, Antonia nous combla tous de joie, en me donnant un fils. Ravi d’un si heureux événement, j’envoyai mon secrétaire à Valence en porter la nouvelle au gouverneur, qui vint à Lirias avec Séraphine et la marquise de Pliego tenir les enfants sur les fonts, se faisant un plaisir d’ajouter ce témoignage d’affection à tous ceux que j’avais déjà reçus de lui. Mon fils, qui eut pour parrain ce seigneur, et pour marraine la marquise, fut nommé Alphonse ; et Mme la gouvernante, voulant que j’eusse l’honneur d’être doublement son compère, tint avec moi la fille de Scipion, à laquelle nous donnâmes le nom de Séraphine.

La naissance de mon fils ne réjouit pas seulement les