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n’être pas dans ma maison. D’ailleurs, je ne suis point venu ici pour vivre avec tant de fracas. Quelle folie ! Avons-nous besoin d’un si grand nombre de domestiques ? Non, il ne nous faut, avec Bertrand, qu’un cuisinier, un marmiton et un laquais ; cela nous suffira. Quoique mon secrétaire n’eût pas été fâché de subsister toujours aux dépens du gouverneur de Valence, il ne combattit point ma délicatesse là-dessus ; et, se conformant à mes sentiments, il approuva la réforme que je voulais faire. Cela étant décidé, il sortit de mon appartement, et se retira dans le sien.


CHAPITRE IV

Il part pour Valence, et va voir les seigneurs de Leyva ; de l’entretien qu’il eut avec eux, et du bon accueil que lui fit Séraphine.


J’achevai de me déshabiller, et je me mis au lit, où, ne me sentant aucune envie de dormir, je m’abandonnai à mes réflexions. Je me représentai l’amitié dont les seigneurs de Leyva payaient l’attachement que j’avais pour eux ; et, pénétré des nouvelles marques qu’ils m’en donnaient, je pris la résolution de les aller trouver dès le lendemain, pour satisfaire l’impatience que j’avais de les en remercier. Je me faisais aussi par avance un plaisir de revoir Séraphine ; mais ce plaisir n’était pas pur : je ne pouvais penser sans peine que j’aurais en même temps à soutenir les regards de la dame Lorença Sephora, qui, se souvenant peut-être encore de l’aventure du soufflet, ne serait pas fort aise de me revoir. L’esprit fatigué de toutes ces idées différentes, je m’assoupis enfin, et ne me réveillai le jour suivant qu’après le lever du soleil.

Je fus bientôt sur pied ; et tout occupé du voyage que je méditais, je m’habillai à la hâte. Comme j’achevais