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emparé de l’esprit de Son Excellence, et que je ne pouvais trop garder de mesures avec lui.

Pour commencer, poursuivit le duc, à te mettre en possession de ma confidence, je vais te découvrir un dessein que je médite. Il est nécessaire que tu en sois instruit, pour te bien acquitter des commissions dont je prétends te charger dans la suite. Il y a déjà longtemps que je vois mon autorité généralement respectée, mes décisions aveuglément suivies, et que je dispose à mon gré des charges, des emplois, des gouvernements, des vice-royautés et des bénéfices. Je règne si j’ose le dire, en Espagne. Je ne puis pousser ma fortune plus loin. Mais je voudrais la mettre à l’abri des tempêtes qui commencent à la menacer ; et pour cet effet, je souhaiterais d’avoir, pour successeur au ministère, le comte de Lemos, mon neveu.

Le ministre, en cet endroit de son discours, remarquant que j’étais extrêmement surpris de ce que j’entendais, me dit : Je vois bien, Santillane, je vois bien ce qui t’étonne. Il te semble fort étrange que je préfère mon neveu au duc d’Uzède, mon propre fils. Mais apprends que ce dernier a le génie trop borné pour occuper ma place, et que d’ailleurs je suis son ennemi. Il a trouvé le secret de plaire au roi, qui en veut faire son favori ; et c’est ce que je ne puis souffrir. La faveur d’un souverain ressemble à la possession d’une femme qu’on adore ; c’est un bonheur dont on est si jaloux, qu’on ne peut se résoudre à le partager avec un rival, quelque uni qu’on soit avec lui par le sang ou par l’amitié.

Je te montre ici, continua-t-il, le fond de mon cœur. J’ai déjà tenté de détruire le duc d’Uzède dans l’esprit du roi ; et, comme je n’ai pu en venir à bout, j’ai dressé une autre batterie. Je veux que le comte de Lemos, de son côté, s’insinue dans les bonnes grâces du prince d’Espagne. Étant gentilhomme de sa chambre, il a occasion de lui parler à toute heure ; et, outre qu’il a de l’esprit, je sais un moyen sûr de le faire réussir dans