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mon plan. Je n’épargnai rien pendant deux mois pour plaire à Calderone : mais il me tint si peu de compte de tout ce que je faisais pour y réussir, que je désespérai d’en venir à bout. Je changeai de conduite à son égard. Je cessai de lui faire la cour ; et je ne m’attachai plus qu’à mettre à profit les moments d’entretien que j’avais avec le duc.


CHAPITRE IV

Gil Blas gagne la faveur du duc de Lerme, qui le rend dépositaire d’un secret important.


Quoique monseigneur ne fît, pour ainsi dire, que paraître et disparaître à mes yeux tous les jours, je ne laissai pas insensiblement de me rendre si agréable à Son Excellence, qu’elle me dit une après-dînée : Écoute, Gil Blas, j’aime le caractère de ton esprit, et j’ai de la bienveillance pour toi. Tu es un garçon zélé, fidèle, plein d’intelligence et de discrétion. Je ne crois pas mal placer ma confiance en la donnant à un pareil sujet. Je me jetai à ses genoux, lorsque j’eus entendu ces paroles ; et, après avoir baisé respectueusement une de ses mains qu’il me tendit pour me relever, je lui répondis : Est-il bien possible que Votre Excellence daigne m’honorer d’une si grande faveur ? Que vos bontés vont me faire d’ennemis secrets ! Mais il n’y a qu’un homme dont je redoute la haine : c’est don Rodrigue de Calderone.

Tu ne dois rien appréhender de ce côté-là, reprit le duc. Je connais Calderone. Il est attaché à moi depuis son enfance. Je puis dire que ses sentiments sont si conformes aux miens, qu’il chérit tout ce que j’aime, comme il hait tout ce qui me déplaît. Au lieu de craindre qu’il n’ait de l’aversion pour toi, tu dois au contraire compter sur son amitié. Je compris par là que le seigneur don Rodrigue était un fin matois ; qu’il s’était