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LIVRE HUITIÈME


CHAPITRE PREMIER

Gil Blas fait une bonne connaissance, et trouve un poste qui le console de l’ingratitude du comte Galiano. Histoire de don Valerio de Luna.


J’étais si surpris de n’avoir point entendu parler de Nunez pendant tout ce temps-là, que je jugeai qu’il devait être à la campagne. Je sortis pour aller chez lui dès que je pus marcher, et j’appris en effet qu’il était depuis trois semaines en Andalousie avec le duc de Medina Sidonia.

Un matin, à mon réveil, Melchior de la Ronda me vint dans l’esprit ; et, me ressouvenant que je lui avais promis à Grenade d’aller voir son neveu, si jamais je retournais à Madrid, je m’avisai de vouloir tenir ma promesse ce jour-là même. Je m’informai de l’hôtel de don Baltazar de Funiga, et je m’y rendis. Je demandai le seigneur Joseph Navarre, qui parut un moment après. Je le saluai ; il me reçut d’un air honnête, mais froid, quoique j’eusse décliné mon nom. Je ne pouvais concilier cet accueil glacé avec le portrait qu’on m’avait fait de ce chef d’office. J’allais me retirer dans la résolution de ne pas lui faire une seconde visite, lorsque, prenant tout à coup un air ouvert et riant, il me dit avec beaucoup de vivacité : Ah ! seigneur Gil Blas de Santillane, pardonnez-moi de grâce la réception que je viens de vous faire. Ma mémoire a trahi la disposition