Page:Lesage - Histoire de Gil Blas de Santillane, 1920, tome 2.djvu/101

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

débarrassé de tous les ministres des Parques. Je me trompais ; il entra un chirurgien que je n’avais vu de ma vie. Il me salua fort civilement, et me témoigna de la joie de me voir échappé du danger que j’avais couru ; ce qu’il attribuait, disait-il, à deux saignées abondantes qu’il m’avait faites, et aux ventouses qu’il avait eu l’honneur de m’appliquer. Autre plume qu’on me tira de l’aile. Il me fallut aussi cracher au bassin du chirurgien. Après tant d’évacuations, ma bourse se trouva si débile, qu’on pouvait dire que c’était un corps confisqué, tant il y restait peu d’humide radical.

Je commençai à perdre courage en me voyant retombé dans une situation misérable. Je m’étais, chez mes derniers maîtres, trop affectionné aux commodités de la vie ; je ne pouvais plus, comme autrefois, envisager l’indigence en philosophe cynique. J’avouerai pourtant que j’avais tort de me laisser aller à la tristesse. Après avoir tant de fois éprouvé que la fortune ne m’avait pas plus tôt renversé qu’elle me relevait, je n’aurais dû regarder l’état fâcheux où j’étais que comme une occasion prochaine de prospérité.