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t-elle en lui présentant une lettre, lisez ce qu’elle m’écrit. Don Raphaël ouvrit le billet, et lut tout haut ces mots : Ma chère Camille, le seigneur Gil Blas de Santillane, qui m’a sauvé l’honneur et la vie, vient de partir pour la cour. Il passera sans doute par Valladolid. Je vous conjure par le sang, et plus encore par l’amitié qui nous unit, de le régaler et de le retenir quelque temps chez vous. Je me flatte que vous me donnerez cette satisfaction, et que mon libérateur recevra de vous et de don Raphaël, mon cousin, toutes sortes de bons traitements. À Burgos. Votre affectionnée cousine, Dona Mencia.

Comment ! s’écria don Raphaël, après avoir lu la lettre, c’est à ce cavalier que ma parente doit l’honneur et la vie ? Ah ! je rends grâce au ciel de cette heureuse rencontre. En parlant de cette sorte, il s’approcha de moi ; et me serrant étroitement entre ses bras : Quelle joie, poursuivit-il, j’ai de voir ici le seigneur Gil Blas de Santillane ! Il n’était pas besoin que ma cousine la marquise nous recommandât de vous régaler ; elle n’avait seulement qu’à nous mander que vous deviez passer par Valladolid : cela suffisait. Nous savons bien, ma sœur Camille et moi, comme il en faut user avec un homme qui a rendu le plus grand service du monde à la personne de notre famille que nous aimons le plus tendrement. Je répondis le mieux qu’il me fut possible à ces discours, qui furent suivis de beaucoup d’autres semblables, et entremêlés de mille caresses. Après quoi, s’apercevant que j’avais encore mes bottines, il me les fit ôter par ses valets.

Nous passâmes ensuite dans une chambre où l’on avait servi. Nous nous mîmes à table, le cavalier, la dame et moi. Ils me dirent cent choses obligeantes pendant le souper. Il ne m’échappait pas un seul mot qu’ils ne relevassent comme un trait admirable ; et il fallait voir l’attention qu’ils avaient tous deux à me présenter de tous les mets. Don Raphaël buvait souvent à la