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cours, et je me déterminai sagement à gagner le pailler, sur lequel je m’endormis bientôt, comme un homme qui depuis longtemps était fait à la fatigue.


CHAPITRE XIV

De la réception que dona Mencia lui fit à Burgos.


Je ne fus pas paresseux à me lever le lendemain matin. J’allai compter avec l’hôtesse, qui était déjà sur pied, et qui me parut un peu moins fière et de meilleure humeur que le soir précédent ; ce que j’attribuai à la présence de trois honnêtes archers de la sainte Hermandad, qui s’entretenaient avec elle d’une façon très familière. Ils avaient couché dans l’hôtellerie ; et c’était sans doute pour ces cavaliers d’importance que tous les lits avaient été retenus.

Je demandai dans le bourg le chemin du château où je voulais me rendre. Je m’adressai par hasard à un homme du caractère de mon hôte de Pegnaflor. Il ne se contenta pas de répondre à la question que je lui faisais ; il m’apprit que don Ambrosio était mort depuis trois semaines, et que la marquise sa femme était retirée dans un couvent de Burgos, qu’il me nomma. Je marchai aussitôt vers cette ville, au lieu de suivre la route du château, comme j’en avais dessein auparavant, et je volai d’abord au monastère où demeurait dona Mencia. Je priai la tourière de dire à cette dame qu’un jeune homme nouvellement sorti des prisons d’Astorga souhaitait de lui parler. La tourière alla sur-le-champ faire ce que je désirais. Elle revint un moment après, et me fit entrer dans un parloir ou je ne fus pas longtemps sans voir paraître en grand deuil, à la grille, la veuve de don Ambrosio.

Soyez le bienvenu, me dit cette dame d’un air gra-