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mettait au désespoir ; je regrettais le souterrain. Dans le fond, disais-je, j’y avais moins de désagrément que dans ce cachot : je faisais bonne chère avec les voleurs, je m’entretenais avec eux agréablement, et je vivais dans la douce espérance de m’échapper ; au lieu que, malgré mon innocence, je serai peut-être trop heureux de sortir d’ici pour aller aux galères.


CHAPITRE XIII

Par quel hasard Gil Blas sortit enfin de prison et où il alla.


Tandis que je passais les jours à m’égayer dans mes réflexions, mes aventures, telles que je les avais dictées dans ma déposition, se répandirent dans la ville. Plusieurs personnes me voulurent voir par curiosité. Ils venaient l’un après l’autre se présenter à une petite fenêtre par où le jour entrait dans ma prison, et lorsqu’ils m’avaient considéré quelque temps, ils s’en allaient. Je fus surpris de cette nouveauté. Depuis que j’étais prisonnier, je n’avais pas vu un seul homme se montrer à cette fenêtre, qui donnait sur une cour où régnaient le silence et l’horreur. Je compris par là que je faisais du bruit dans la ville ; mais je ne savais si j’en devais concevoir un bon ou un mauvais présage.

Un de ceux qui s’offrirent des premiers à ma vue fut le petit chantre de Mondognedo, qui avait aussi bien que moi craint la question et pris la fuite. Je le reconnus et il ne feignit point de me méconnaître. Nous nous saluâmes de part et d’autre ; puis nous nous engageâmes dans un long entretien. Je fus obligé de faire un nouveau détail de mes aventures, ce qui produisit deux effets dans l’esprit de mes auditeurs : je les fis rire, et je m’attirai leur pitié. De son côté, le chantre me conta ce qui s’était passé dans l’hôtellerie de Cacabelos, entre le muletier et la jeune femme, après qu’une terreur