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CHAPITRE II

De la résolution que don Alphonse et Gil Blas prirent après cette aventure.


Nous allâmes toute la nuit, selon notre louable coutume ; et nous nous trouvâmes, au lever de l’aurore, auprès d’un petit village à deux lieues de Ségorbe. Comme nous étions tous fatigués, nous quittâmes volontiers le grand chemin, pour gagner des saules que nous aperçûmes au pied d’une colline à dix ou douze cents pas du village, où nous ne jugeâmes point à propos de nous arrêter. Nous trouvâmes que ces saules faisaient un agréable ombrage, et qu’un ruisseau lavait le pied de ces arbres. L’endroit nous plut, et nous résolûmes d’y passer la journée. Nous mîmes donc pied à terre. Nous débridâmes nos chevaux pour les laisser paître, et nous nous couchâmes sur l’herbe. Nous nous y reposâmes un peu, ensuite nous achevâmes de vider notre besace et notre outre. Après un ample déjeuner, nous nous amusâmes à compter tout l’argent que nous avions pris à Samuel Simon ; ce qui se montait à trois mille ducats ; de sorte qu’avec cette somme et celle que nous avions déjà, nous pouvions nous vanter de n’être point mal en fonds.

Comme il fallait aller à la provision, Ambroise et don Raphaël, après avoir quitté leurs habits d’inquisiteur et de greffier, dirent qu’ils voulaient se charger de ce soin-là tous deux ; que l’aventure de Xelva ne faisait que les mettre en goût, et qu’ils avaient envie de se rendre à Ségorbe, pour voir s’il ne se présenterait pas quelque occasion de faire un nouveau coup. Vous n’avez, ajouta le fils de Lucinde, qu’à nous attendre sous ces saules ; nous ne tarderons pas à vous venir rejoindre. À d’autres, seigneur don Raphaël, m’écriai-je