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CHAPITRE II

Du conseil que don Raphaël et ses auditeurs tinrent ensemble, et de l’aventure qui leur arriva lorsqu’ils voulurent sortir du bois.


Quand don Raphaël eut achevé de conter son histoire, dont le récit me parut un peu long, don Alphonse, par politesse, lui témoigna qu’elle l’avait fort diverti. Après cela, le seigneur Ambroise prit la parole, et l’adressant au compagnon de ses exploits : Don Raphaël, lui dit-il, songez que le soleil se couche. Il serait à propos, ce me semble, de délibérer sur ce que nous avons à faire. Vous avez raison, lui répondit son camarade ; il faut déterminer l’endroit où nous voulons aller. Pour moi, reprit Lamela, je suis d’avis que nous nous remettions en chemin sans perdre de temps, que nous gagnions Requena cette nuit, et que demain nous entrions dans le royaume de Valence, où nous donnerons l’essor à notre industrie. Je pressens que nous y ferons de bons coups. Son frère, qui croyait là-dessus ses pressentiments infaillibles, se rangea de son opinion. Pour don Alphonse et moi, comme nous nous laissions conduire par ces deux honnêtes gens, nous attendîmes, sans rien dire, le résultat de la conférence.

Il fut donc résolu que nous prendrions la route de Requena, et nous commençâmes à nous y disposer. Nous y fîmes un repas semblable à celui du matin, puis nous chargeâmes le cheval de l’outre et du reste de nos provisions. Ensuite, la nuit qui survint nous prêtant l’obscurité dont nous avions besoin pour marcher sûrement, nous voulûmes sortir du bois ; mais nous n’eûmes pas fait cent pas, que nous découvrîmes entre les arbres une lumière qui nous donna beaucoup à penser. Que signifie cela ? dit don Raphaël : ne serait-ce point les