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mœurs. Nous laissâmes ces ivrognes entre les mains de la patrouille, qui eut soin de les porter chez eux. Nous regagnâmes notre hôtel, et chacun ne songea qu’à se reposer.

Don Félix et don Luis se levèrent sur le midi ; et, s’étant tous deux rejoints, Aurore de Guzman fut la première chose dont ils s’entretinrent. Gil Blas, me dit ma maîtresse, va chez ma tante dona Ximena, et lui demande de ma part si nous pouvons aujourd’hui, le seigneur Pacheco et moi, voir ma cousine. Je sortis pour m’acquitter de cette commission, ou plutôt pour concerter avec la duègne ce que nous avions à faire ; et, quand nous eûmes pris ensemble de justes mesures, je vins rejoindre le faux Mendoce. Seigneur, lui dis-je, votre cousine Aurore se porte à merveille ; elle m’a chargé elle-même de vous témoigner de sa part que votre visite ne lui saurait être que très agréable ; et dona Ximena m’a dit d’assurer le seigneur Pacheco qu’il sera toujours parfaitement bien reçu chez elle sous vos auspices.

Je m’aperçus que ces dernières paroles firent plaisir à don Luis. Ma maîtresse le remarqua de même, et en conçut un heureux présage. Un moment avant le dîner, le valet de la senora Ximena parut, et dit à don Félix : Seigneur, un homme de Tolède est venu vous demander chez Mme votre tante, et y a laissé ce billet. Le faux Mendoce l’ouvrit, et y trouva ces mots qu’il lut à haute voix : Si vous avez envie d’apprendre des nouvelles de votre père et des choses de conséquence pour vous, ne manquez pas, aussitôt la présente reçue, de vous rendre au Cheval noir, auprès de l’Université. Je suis, dit-il, trop curieux de savoir ces choses importantes, pour ne pas satisfaire ma curiosité tout à l’heure. Sans adieu, Pacheco, continua-t-il ; si je ne suis point de retour ici dans deux heures, vous pourrez aller seul chez ma tante : j’irai vous y rejoindre dans l’après-dînée. Vous savez ce que Gil Blas vous a dit de la part de dona