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adroitement la conversation sur sa famille. Mon père, dit-elle, est un cadet de la maison de Mendoce, qui s’est établi à Tolède, et ma mère est propre sœur de dona Ximena de Guzman, qui, depuis quelques jours, est venue à Salamanque pour une affaire importante, avec sa nièce Aurore, fille unique de don Vincent de Guzman, que vous avez peut-être connu. Non, répondit don Luis, mais on m’en a souvent parlé, ainsi que d’Aurore, votre cousine. Dois-je croire ce qu’on dit de cette jeune dame ? On assure que rien n’égale son esprit et sa beauté. Pour de l’esprit, reprit don Félix, elle n’en manque pas ; elle l’a même assez cultivé. Mais ce n’est point une si belle personne ; on trouve que nous nous ressemblons beaucoup. Si cela est, s’écria Pacheco, elle justifie sa réputation. Vos traits sont réguliers, votre teint est parfaitement beau ; votre cousine doit être charmante. Je voudrais bien la voir et l’entretenir. Je m’offre à satisfaire votre curiosité, repartit le faux Mendoce, et même dès ce jour. Je vous mène cette après-dînée chez ma tante.

Ma maîtresse changea tout à coup de matière, et parla de choses indifférentes. L’après-midi, pendant qu’ils se disposaient tous deux à sortir pour aller chez dona Ximena, je pris les devants, et courus avertir la duègne de se préparer à cette visite. Je revins ensuite sur mes pas pour accompagner don Félix, qui conduisit enfin chez sa tante le seigneur don Luis. Mais à peine furent-ils entrés dans la maison, qu’ils rencontrèrent la dame Chimène, qui leur fit signe de ne point faire de bruit. Paix, paix ! leur dit-elle d’une voix basse, vous réveilleriez ma nièce. Elle a depuis hier une migraine effroyable qui ne fait que de la quitter, et la pauvre enfant repose depuis un quart d’heure. Je suis fâché de ce contre-temps, dit Mendoce en affectant un air mortifié ; j’espérais que nous verrions ma cousine. J’avais fait fête de ce plaisir à mon ami Pacheco. Ce n’est pas une affaire si pressée, répondit en souriant Ortiz, vous