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mon gendre, pour être à couvert de tout soupçon. Le connétable est innocent, mais des vues secrètes vous ont porté à le faire arrêter.

Puisque vous me parlez si ouvertement, repartit le roi, je vais vous parler de la même manière. Vous vous plaignez de l’emprisonnement du connétable ! Eh ! n’ai-je point à me plaindre de votre cruauté ? C’est vous, barbare Siffredi, qui m’avez ravi mon repos, et réduit, par vos soins officieux, à envier le sort des plus vils mortels ; car ne vous flattez pas que j’entre dans vos idées. Mon mariage avec Constance est vainement résolu… Quoi ! seigneur, interrompit en frémissant Léontio, vous pourriez ne point épouser la princesse, après l’avoir flattée de cette espérance aux yeux de tous vos peuples ! Si je trompe leur attente, répliqua le roi, ne vous en prenez qu’à vous. Pourquoi m’avez-vous mis dans la nécessité de leur promettre ce que je ne pouvais leur accorder ? Qui vous obligeait à remplir du nom de Constance un billet que j’avais fait à votre fille ? Vous n’ignoriez pas mon intention : fallait-il tyranniser le cœur de Blanche en lui faisant épouser un homme qu’elle n’aimait pas ? Et quel droit avez-vous sur le mien, pour en disposer en faveur d’une princesse que je hais ? Avez-vous oublié qu’elle est fille de cette cruelle Mathilde, qui, foulant aux pieds les droits du sang et de l’humanité, fit expirer mon père dans les rigueurs d’une dure captivité ? Et je l’épouserais ! Non, Siffredi, perdez cette espérance ; avant que de voir allumer le flambeau de cet affreux hymen, vous verrez toute la Sicile en flammes, et ses sillons inondés de sang.

L’ai-je bien entendu ? s’écria Léontio. Ah ! Seigneur, que me faites-vous envisager ? Quelles terribles menaces ! Mais je m’alarme mal à propos, continua-t-il en changeant de ton. Vous chérissez trop vos sujets, pour leur procurer une si triste destinée. Vous ne vous laisserez point surmonter par l’amour ; vous ne ternirez pas