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devait à la fille de Léontio suspendit son ressentiment. Il se retira de la même manière qu’il était venu ; et, plus troublé qu’auparavant, il reprit le chemin de Palerme. Il y arriva quelques moments devant le jour, et s’enferma dans son appartement. Il était trop agité pour y prendre du repos. Il ne songeait qu’à retourner à Belmonte. Sa sûreté, son honneur et surtout son amour ne lui permettaient pas de différer l’éclaircissement de toutes les circonstances d’une si cruelle aventure.

Dès qu’il fit jour, il commanda son équipage de chasse ; et, sous prétexte de prendre ce divertissement, il s’enfonça dans la forêt de Belmonte avec ses piqueurs et quelques-uns de ses courtisans. Il suivit quelque temps la chasse pour cacher son dessein ; et, lorsqu’il vit que chacun courait avec ardeur à la queue des chiens, il s’écarta de tout le monde, et prit seul le chemin du château de Léontio. Il connaissait trop les routes de la forêt pour pouvoir s’y égarer ; et, son impatience ne lui permettant pas de ménager son cheval, il eut en peu de temps parcouru tout l’espace qui le séparait de l’objet de son amour. Il cherchait dans son esprit quelque prétexte plausible pour se procurer un entretien secret avec la fille de Siffredi, quand, traversant une petite route qui aboutissait à une des portes du parc, il aperçut auprès de lui deux femmes assises qui s’entretenaient au pied d’un arbre. Il ne douta point que ces personnes ne fussent du château, et cette vue lui causa de l’émotion ; mais il fut bien plus agité, lorsque, ces femmes s’étant tournées de son côté au bruit que son cheval faisait en courant, il reconnut sa chère Blanche. Elle s’était échappée du château avec Nise, celle de ses femmes qui avait le plus de part à sa confiance, pour pleurer du moins son malheur en liberté.

Il vola, il se précipita pour ainsi dire à ses pieds ; et, voyant dans ses yeux tous les signes de la plus profonde