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satisfasse, interrompit-il, vous pourrez faire ce que vous avez résolu. Je ne prétends point abuser de la confidence que vous m’avez faite. Je ne trahirai point votre honneur, soyez sans inquiétude là-dessus.

J’étais assez en peine de savoir par quel moyen le roi prétendait terminer cette affaire à l’amiable. Voici comme il s’y prit. Il entretint en particulier mon rival. Prince, lui dit-il, vous avez offensé don Pompeyo de Castro. Vous n’ignorez pas que c’est un homme d’une naissance illustre, un cavalier que j’aime et qui m’a bien servi. Vous lui devez une satisfaction. Je ne suis pas d’humeur à la lui refuser, répondit le prince. S’il se plaint de mon emportement, je suis prêt à lui en faire raison par la voie des armes. Il faut une autre réparation, reprit le roi ; un gentilhomme espagnol entend trop bien le point d’honneur, pour vouloir se battre noblement avec un lâche assassin. Je ne puis vous appeler autrement ; et vous ne sauriez expier l’indignité de votre action, qu’en présentant vous-même un bâton à votre ennemi, et qu’en vous offrant à ses coups. Ô ciel ! s’écria mon rival : quoi ! Sire, vous voulez qu’un homme de mon rang s’abaisse, qu’il s’humilie devant un simple cavalier, et qu’il en reçoive même des coups de bâton ! Non, repartit le monarque, j’obligerai don Pompeyo à me promettre qu’il ne vous frappera point. Demandez-lui pardon de votre violence en lui présentant un bâton ; c’est tout ce que j’exige de vous. Et c’est trop attendre de moi, Sire, interrompit brusquement Radzivill : j’aime mieux demeurer exposé aux traits cachés que son ressentiment me prépare. Vos jours me sont chers, dit le roi, et je voudrais que cette affaire n’eût point de mauvaises suites. Pour la finir avec moins de désagrément pour vous, je serai seul témoin de cette satisfaction que je vous ordonne de faire à l’Espagnol.

Le roi eut besoin de tout le pouvoir qu’il avait sur le prince, pour obtenir de lui qu’il fît une démarche si