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celle-ci m’ennuie. Tu pars donc demain, quelque envie que j’aie de te posséder plus longtemps ? Je voudrais, répondit son parent, pouvoir faire ici un plus long séjour ; mais je ne le puis, je vous l’ai déjà dit ; je suis venu à la cour d’Espagne pour une affaire d’État. Je parlai hier, en arrivant, au premier ministre ; je dois le voir encore demain matin, et je partirai un moment après pour m’en retourner à Varsovie. Te voilà devenu Polonais, répliqua Segiar, et, selon toutes les apparences, tu ne reviendras point demeurer à Madrid. Je crois que non, repartit don Pompeyo ; j’ai le bonheur d’être aimé du roi de Pologne ; j’ai beaucoup d’agrément à sa cour. Quelque bonté pourtant qu’il ait pour moi, croiriez-vous que j’ai été sur le point de sortir pour jamais de ses États ? Eh ! par quelle aventure ? dit le marquis. Contez-nous cela, je vous prie. Très volontiers, répondit don Pompeyo ; et c’est en même temps mon histoire dont je vais vous faire le récit.


CHAPITRE VII

Histoire de don Pompeyo de Castro.


Don Alexo, poursuivit-il, sait qu’au sortir de mon enfance je voulus prendre le parti des armes, et que, voyant notre pays tranquille, j’allai en Pologne, à qui les Turcs venaient alors de déclarer la guerre. Je me fis présenter au roi, qui me donna de l’emploi dans son armée. J’étais un cadet des moins riches d’Espagne ; ce qui m’imposait la nécessité de me signaler par des exploits qui m’attirassent l’attention du général. Je fis si bien mon devoir, qu’après une assez longue guerre, la paix ayant été faite, le roi, sur les bons témoignages que les officiers généraux lui rendirent de moi, me gratifia d’une pension considérable. Sensible