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tion servile à l’honneur d’entrer dans une compagnie de braves gens, je t’abandonne à la bassesse de tes inclinations. Mais écoute bien les paroles que je vais te dire ; qu’elles demeurent gravées dans ta mémoire ! Oublie que tu m’as rencontré aujourd’hui, et ne t’entretiens jamais de moi avec personne ; car si j’apprends que tu me mêles dans tes discours… tu me connais : je ne t’en dis pas davantage. À ces mots, il appela l’hôte, paya l’écot, et nous nous levâmes de table pour nous en aller.


CHAPITRE III

Il sort de chez don Bernard de Castil Blazo, et va servir un petit-maître.


Comme nous sortions du cabaret, et que nous prenions congé l’un de l’autre, mon maître passa dans la rue. Il me vit, et je m’aperçus qu’il regarda plus d’une fois le capitaine. Je jugeai qu’il était surpris de me rencontrer avec un semblable personnage. Il est certain que la vue de Rolando ne prévenait point en faveur de ses mœurs. C’était un homme fort grand, il avait le visage long, avec un nez de perroquet ; et, quoiqu’il n’eût pas mauvaise mine, il ne laissait pas d’avoir l’air d’un franc fripon.

Je ne m’étais pas trompé dans mes conjectures. Le soir, je trouvai don Bernard occupé de la figure du capitaine, et très disposé à croire toutes les belles choses que je lui en aurais pu dire, si j’eusse osé parler. Gil Blas, me dit-il, qui est ce grand escogriffe que j’ai vu tantôt avec toi ? Je répondis que c’était un alguazil, et je m’imaginai que, satisfait de cette réponse, il en demeurerait là ; mais il me fit bien d’autres questions ; et, comme je lui parus embarrassé, parce que je me