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m’avaient été volés dans l’hôtel garni. Oh ! pour vos ducats, seigneur, répliqua-t-elle, ne me les demandez point. Le traître don Raphaël, que je n’ai pas vu depuis ce temps-là, les emporta dès la nuit même. Eh ! petite mignonne, dit alors Fabrice, n’y a-t-il qu’à dire, pour vous tirer d’intrigue, que vous n’avez pas eu de part au gâteau ? Vous n’en serez pas quitte à si bon marché. C’est assez que vous soyez des complices de don Raphaël, pour mériter qu’on vous demande compte de votre vie passée. Vous devez bien avoir des choses sur la conscience. Vous viendrez, s’il vous plaît, en prison, faire une confession générale. J’y veux mener aussi, continua-t-il, cette bonne vieille ; je juge qu’elle sait une infinité d’histoires curieuses que monsieur le corrégidor ne sera pas fâché d’entendre.

Les deux femmes, à ces mots, mirent tout en usage pour nous attendrir. Elles remplirent la chambre de cris, de plaintes et de lamentations. Tandis que la vieille, à genoux, tantôt devant l’alguazil, et tantôt devant les archers, tâchait d’exciter leur compassion, Camille me priait, de la manière du monde la plus touchante, de la sauver des mains de la justice. C’était une chose à voir que ce spectacle. Je feignis de me laisser fléchir. Monsieur l’officier, dis-je au fils de Nunez, puisque j’ai mon diamant, je me console du reste. Je ne souhaite pas qu’on fasse de la peine à cette pauvre femme ; je ne veux point la mort du pécheur. Fi donc ! répondit-il, vous avez de l’humanité ! vous ne seriez pas bon à être exempt. Il faut, poursuivit-il, que je m’acquitte de ma commission. Il m’est expressément ordonné d’arrêter ces infantes ; monsieur le corrégidor en veut faire un exemple. Eh ! de grâce, repris-je, ayez quelque égard à ma prière, et relâchez-vous un peu de votre devoir en faveur du présent que ces dames vont vous offrir. Oh ! c’est une autre affaire, repartit-il ; voilà ce qui s’appelle une figure de rhétorique bien placée. Çà, voyons, qu’ont-elles à me donner ? J’ai un col-