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Souviens-toi de ta prison d’Astorga ; ton cheval, ton argent, jusqu’à ton habit, tout n’est-il pas demeuré entre leurs mains ? Il faut plutôt nous servir de notre industrie pour rattraper ton diamant. Je me charge du soin de trouver quelque ruse pour cet effet. Je vais y rêver en allant à l’hôpital, où j’ai deux mots à dire au pourvoyeur de la part de mon maître. Toi, va m’attendre à notre cabaret, et ne t’impatiente point ; je t’y joindrai dans peu de temps.

Il y avait pourtant déjà plus de trois heures que j’étais au rendez-vous quand il y arriva. Je ne le reconnus pas d’abord. Outre qu’il avait changé d’habit et natté ses cheveux, une moustache postiche lui couvrait la moitié du visage. Il portait une grande épée dont la garde avait pour le moins trois pieds de circonférence, et il marchait à la tête de cinq hommes qui avaient, comme lui, l’air déterminé, des moustaches épaisses, avec de longues rapières. Serviteur au seigneur Gil Blas, dit-il en m’abordant : il voit en moi un alguazil de nouvelle fabrique, et, dans ces braves gens qui m’accompagnent, des archers de la même trempe. Il n’a qu’à nous mener chez la femme qui lui a volé un diamant, et nous le lui ferons rendre, sur ma parole. J’embrassai Fabrice à ce discours, qui me faisait connaître le stratagème qu’il prétendait employer pour moi, et je lui témoignai que j’approuvais fort l’expédient qu’il avait imaginé. Je saluai aussi les faux archers. C’étaient trois domestiques et deux garçons barbiers de ses amis, qu’il avait engagés à faire ce personnage. J’ordonnai qu’on apportât du vin pour abreuver l’escouade, et nous allâmes tous ensemble chez Camille à l’entrée de la nuit. Nous frappâmes à la porte que nous trouvâmes fermée. La vieille vint ouvrir, et, prenant les personnes qui étaient avec moi pour des lévriers de justice qui n’entraient pas dans cette maison sans sujet, elle demeura fort effrayée. Rassurez-vous, ma bonne mère, lui dit Fabrice, nous ne venons ici que pour une petite affaire