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IVAN.

Libre !… je le suis déjà, grâce à toi, qui m’as fait évader de la forteresse de Polstock, où le czar, que je hais, me retenait prisonnier ! C’est par toi, par tes Tsiganes dévouées, que j’ai pu correspondre avec Féofar-Khan ! C’est grâce à toi, enfin, que j’ai pu pénétrer dans le palais du gouverneur, et que je vais obtenir ce passeport sans lequel je n’aurais jamais pu franchir la frontière pour aller rejoindre les armées de l’émir !… Sangarre, je ne l’oublierai pas.

SANGARRE.

Depuis le jour où tu m’as sauvée, pendant cette guerre de Khiva, depuis que le colonel Ivan Ogareff a ramené à la vie la Tsigane que les Russes venaient de knouter comme espionne, la Tsigane t’appartient corps et âme ! Elle est devenue la mortelle ennemie de ces Russes qu’elle hait autant que tu les hais toi-même ! Ivan, il n’y a plus rien de moscovite en toi ! Que ton épaule saigne toujours à l’endroit où l’on a arraché l’épaulette comme mon épaule saignera toujours à l’endroit où le knout l’a déchirée !

IVAN.

Ne crains rien !… ma vengeance marchera de pair avec la tienne !…

SANGARRE.

Ah ! je la retrouverai cette Sibérienne… cette Marfa Strogoff qui m’a dénoncée aux Russes !… Je la retrouverai, dussé-je aller la saisir jusque dans Kolyvan dont les Tartares vont bientôt s’emparer !…

IVAN.

Comme ils s’empareront d’Irkoutsk, conduits par moi à l’assaut de cette capitale ! Ah ! Grand-Duc maudit, en me cassant de mon grade, en me faisant emprisonner, tu as fait manquer ce premier soulèvement que j’avais organisé ! Mais, je suis libre maintenant ! Rien ne pourra sauver Irkoutsk, et là, tu périras d’une mort infamante, sur les murs mêmes de la ville en flammes !

SANGARRE.

Oui, mais il faudrait éviter tout retard, et ce passeport promis par le gouverneur…

IVAN.

Dans cinq minutes je l’aurai, et je m’élancerai, d’un seul bond, de Moscou aux avant-postes de l’émir ! Prends garde, on vient !…